20-21 mai - EVACUATION (le Sud)

Une fois franchi la Loire ce fut le soulagement. Exténués, sales, affamés, mais vivants. Nous ne savions pas où l’on nous conduisait, mais ce qui était certain c’est que nous roulions vers le Sud. Dans les gares, nous étions attendus par la Croix rouge et d’autres comités eux aussi débordés par l’afflux inattendu de réfugiés ¹ Il y avait des infirmières, des médecins. Mon doigt me faisant terriblement souffrir, je le montrai à un médecin militaire qui décida de l’inciser ; c’était la troisième fois … il n’y alla pas de main morte et ouvrit jusqu’à l’os, je crus m’évanouir. Mais au moins après cela il finit par guérir.

Enfin nous arrivâmes  à Toulouse. De là fûmes orientés vers Castelnaudary. Nous étions exténués. Cela faisait trois jours que nous avions quitté Valenciennes ². L’on nous dûmes passer un contrôle médical. Des plaques rouges étaient apparues sur notre corps à Danièle et à moi. Le médecin qui nous examina fut catégorique :

– Vous avez attrapé la gale ! Dès votre arrivée il faudra frotter vigoureusement les plaques avec du savon de Marseille ! » Après ce que nous avions subi, il ne manquait plus que cela. : La gale ! … une horrible maladie réputée incurable ! J’étais complètement démoralisée. Grand-père Emile qui avait eu l’occasion de voir des cas de gale pendant la guerre 14, ne semblait pas convaincu ; il avait raison. Dès que pus, j’allais consulter un médecin à Salles et lui expliquais ce qu’avait diagnostiqué son confrère.

– La gale ! Quel est l’imbécile qui vous a dit cela, s’exclama-t-il outré. Il s’agissait en fait d’éruptions sans gravité dues aux fatigues, aux frayeurs, à la mauvaise alimentation ; qui disparurent rapidement.

1Ibid – page 104-105 ( voir en annexe )

2Selon les archives de la préfecture de l’Aude, les trains de réfugiés belges arrivèrent à Toulouse du 21 au 23 mai.